Cette étonnante masse, honteusement écarté des enquêtes d'opinions, n'est cependant pas, à l'image de la pensée de Kant ou du Casimir en chocolat new generation, un monolithe résistant à toute forme de décomposition. De multiples courants la traversent, les "plutot contre", les "franchement contre", les "contre du dimanche", les "contre dillettantes", les "contre en devenir", les "jeunes contres", les "contres polémiques", les "contres érudits" et même les "contres pètes burnes".

Dans un souci de clarification à l'usage du lecteur avide de mieux sentir les sensibilités de chaque tendance, SporAddict s'est évertué à rechercher les exemples les plus frappants, les plus originaux et bien évidemment les plus pathétiques de ces "anti-sport" comme on les appelle déjà.

Le site du journal Libération a créé une catégorie d'internautes, experts sur rien mais connaisseurs sur tout. Une espèce dangereuse qui donne son avis en style SMS - à charge du lecteur de faire la transcription en langage intelligible - à l'aide de stances furibardes que n'aurait pas renié un Maïakovski des grands jours. Pour notre plus grand malheur, ils se regroupent et s'échangent leurs coups de gueule, un peu comme à la maternelle, lorsque l'on échangeait son calot émeraude fétiche contre la pépite noire de son camarade - parfois la vole aussi, je me souviens à ce sujet de ce petit merdeux en CP qui m'avait chouré l'intégralité de mon sac de billes. Ah, le petit fumier !...

Morceaux choisis:
" C'est vrai qu'on en a marre d'être mangé de ce sport à la con avec leurs commentaires encore plus con, quoi qu'il y a encore plus débiles comme commentaires, voir les courses à vélo, le tennis etc. Et la TV dans les bistrots qui nous gavent de sports aussi, à quand l'interdiction des TV sports dans les cafés."
"J'ai horreur des tricheurs et des hypocrites qui pensent tout savoir et qui font semblant de connaître les règles à fond pour tricher sciemment en grugeant leur adversaire"
"bonjour, ce soir je suis très en colère contre le fonctionnement des entrées à la piscine de Villefontaine (38)"
"Moi, je pousse un coup de gueule à Thierry Roland présentateur des matchs de foot qui croit que son équipe de France elle joue bien et qui est raciste"
"J'en ai marre de regarder des matchs de rugby avec des mecs qui rentrent sur le terrain en suant la haine les yeux exorbités et surexcités par les produits dopants et autres amphétamines"
Source: http://www.coupdegueule.com/sport.htm

La sentence est sans appel: décidément les piscines municipales ne sont plus ce qu'elles étaient.

A côté de cette plèbe fangeuse, se repaissant de leur propre production négative, existe une frange extrémiste de la lutte contre le sport. « Le sport, c’est l’opium du peuple », « [le sport] est une agence intégrée et intégriste du capitalisme mondialisé » sont quelques unes des thèses les plus couramment soutenues par ces illuminés au verbe philosophique. C’est avec horreur que nous découvrons que le sport, loin d’être innocent n’est que le reflet du mal qui gangrène notre société. Bientôt le sport sera banni des écoles, supprimé des chaines hertziennes, brulé lors d'un pogrom nocturne sur la place des villages de France et de Navarre. Le sport est ainsi « non seulement une politique de diversion sociale, de canalisation émotionnelle des masses, mais plus fondamentalement encore une coercition anthropologique majeure qui renforce et légitime l’idéologie productiviste et le principe de rendement de la société capitaliste. Le sport est ainsi une injonction autoritaire au dépassement de soi et des autres, la mise en œuvre institutionnelle de cette contrainte sans cesse énoncée au surpassement »
Source : http://www.grouchos.org/tyranniesportive.htm

Avec tout ça, nous voilà bien avancé. Je laisse en exercice pratique aux lecteurs assidus la consultation du très riche site Decroissance Info (http://www.decroissance.info/Sport-et-decroissance-Paris-2012) pour prendre la mesure de l’épée de Damoclès suspendu au dessus de nos têtes …

Mais ce mouvement est il une nouveauté du 21eme siècle ? Est il un pur produit des Télé Foot dominicaux, des soirées foot-bière, des femmes battues d'après match? Loin s’en faut puisqu’Euripide dans son Autolycos développe déjà cette haine de l’activité sportive et de ses représentants :

« Alors que les vauriens pullulent par la Grèce, rien n'est pis que la race des athlètes. D'abord ils ne reçoivent aucun principe de vie honnête et ne sauraient en recevoir .Comment un homme, esclave de sa mâchoire et de son ventre, pourrait-il devenir suffisamment aisé pour enrichir sa patrie ? Il ne pourrait supporter l'indigence et être à la hauteur des vicissitudes de la fortune : peu habitué aux nobles sentiments, c'est bien difficilement qu'il s'adapte aux revers.

Brillants dans leur jeunesse, les athlètes ressemblent à autant de statues dont s'embellit la cité; mais dès que les a accablés l'amère vieillesse, leurs vieilles loques s'en vont en effilochant leurs franges.

Je blâme cet usage des Grecs qui rassemblent des gaillards de cette sorte, venus de cent contrées, et honorent des plaisirs inutiles. A quoi sert un homme qui a bien lutté ou qui court vite, qui a lancé le disque ou brisé la mâchoire scientifiquement ? Quel avantage sa couronne procure-t-elle à sa patrie ? Est-ce que l'on combat avec des disques ? Est-ce en courant un bouclier à la main que l'on chasse les ennemis de son pays ? Nul ne se soucie de ces bagatelles quand il est debout à portée du fer de l'ennemi.

C'étaient les homme sages et vertueux qu'il fallait couronner de feuillage, c'étaient ceux dont la vie prudente et juste forme une belle ligne droite, ceux qui, par leurs conseils, détournent les malheurs, éloignent les guerres et les révolutions : voilà quels sont les biens pour toute la cité et tous les Grecs. »

Le débat est lancé.

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